Bienvenue sur le sixieme continent : l’Antarctique !
Click to enlarge Voici quelques nouvelles bien fraîches de la base DDU (66°40’S-140°01’E) et de l’équipe de la 57ème mission qui va tenter l’intégration à l’autochtone : le Manchot Adélie…

17 juin 2007

Un trou dans la banquise !

Quelques explications supplémentaires sur la polynie, le nom donné à une zone d’eau libre entourée de banquise. Une petit tempête locale associée à une brise assez soutenue, comme on en croise parfois, ont brisé une banquise encore fragile dans certaines zones. Des plaques entières se sont détachées comme les pièces d’un puzzle et ont été poussées vers le nord par le vent. C’est au cours de la balade dans les bergs noirs, qu’on s’est approché tout près pour regarder dans cette eau noire.

Ci-joint quelques photos pour visualiser tout ça…

Polynie le 27 mai : La polynie est grise, la partie brillante correspond à de l’eau libre et la partie grise opaque à une partie déjà gelée en surface.

Polynie vers le continent : La zone s’étend largement depuis le continent jusqu’au glacier, réduisant le périmètre de banquise accessible autour de la base.

Polynie le 31 mai : Après quelques jours, la glace reprend le dessus et l’ancienne polynie se transforme en glace noire.

Deux mois au cœur de l’hiver :

Caravane

Les balades deviennent difficiles : les jours sont courts, les températures oscillent autour des -25°C, les vents soufflent parfois à plus de 100km/h… Mais chaque sortie est motivée par la beauté incroyable de cette nature, de cette glace et de ces incroyables manchots.
Deux mois de jeûne, deux mois à couver un œuf unique et précieux, deux mois à attendre le relais de sa partenaire, deux mois à rester debout sur la glace de mer… Un exploit et un miracle pour ces 3 000 mâles que de relever ce défi dans les pires conditions climatiques pour un être vivant. L’Empereur impressionne à chaque instant de son existence, de sa survie.
Les femelles sont parties se nourrir en mer après avoir confié au mâle l’incubation de l’œuf unique pendant un peu plus de deux mois. On a pu croiser les femelles sur leur départ vers le nord. Les mâles restent encore sur la manchotière, devenue alors beaucoup plus petite, plus dense aussi avec des tortues presque constantes. L’œuf est un trésor, mais aussi un fardeau qu’il faut porter, déplacer sur ses deux pattes sans jamais le mettre au contact du sol glacé. Les bousculades et les glissades sont autant de pièges à adroitement éviter pour conserver son œuf. De temps en temps, il faut vérifier qu’il est toujours bien là, bien au chaud….
Les tortues sont d’impressionnantes formations, toujours en mouvement. La température au centre peut atteindre 38°C, des tropiques sur la banquise ! De temps en temps, il est donc bon de ressortir de cette étuve. Les tortues uniques se forment les jours de vents forts. Les autres jours ce sont quelques petites tortues plus ou moins denses entre lesquelles se baladent des individus isolés, en files indiennes, toujours avec leur œuf bien sûr. Parfois on a la chance de voir la dislocation d’une tortue : 3000 manchots qui lèvent la tête, se mettent à glousser comme des dindes puis se bousculent, tombent par terre, battent des ailerons. Une anarchie complète après ce rangement si minutieux et qui semblait bien figé.



Départ mont Saint Michel (c’est le nom qu’on donne à ce berg lointain…)

Petite tortue : Une petite tortue isolée du groupe majoritaire.

Petite tortue suite : Idem un autre jour.

Tortue unique : Une tortue avec l’ensemble des manchots sur place, 3000 manchots tassés sur quelques dizaines de mètres de banquise…

Incubation : Un mâle se balade hors de la tortue avec son œuf sur les pattes.

Bousculades de voisins : Des mâles avec leur œuf (on voit un bourrelet de peau qui recouvre l’œuf) se disputent la priorité.

Toujours là : Vérifications de routine…

Légionnaires : Un alignement presque parfait.

Alignement : ici aussi, impeccable.

Sous une pellicule de neige : Immobiles pendant des heures, la neige soufflée se dépose sur les plumes extérieures à la tortue.

Têtes qui dépassent : Des petits affrontements, des baillements, ou des bruit qui attirent l’attention font dépasser quelques têtes au-dessus de la tortue.

Quoi !!! : Un manchot se réveille de sa tortue.

Dislocation : Une tortue de dure jamais plus de douze heures, lorsque les manchots s’écartent on parle de dislocation. On peut voir un nuage de vapeur d’eau qui s’échappe juste au-dessus de la tortue.

Des Empereurs de la nature

Tortue le 4 mai : Immobiles et serrés les uns contre les autres dans la neige soulevée par un vent violent…


Le manchot Empereur est un animal incroyable. Dumont d’Urville a la chance unique d’être situé près d’une colonie d’Empereurs, relativement rares sur le continent Antarctique. On compte 45 autres colonies sur le pourtour.
Ces manchots, les plus grands, les seuls à se produire au cœur de l’hiver sur de la glace de mer, vont nous accompagner pendant ce long hiver, sans craindre ni le froid ni le blizzard de la nuit polaire. Nous sommes aussi curieux d’eux qui le sont de nous : à chaque visite de la manchotière et malgré le respect des distances de sécurité pour ne pas les déranger, des petits groupes viennent à notre rencontre et s’approchent à quelques mètres. Ils nous regardent dans les yeux sans montrer la moindre crainte, ils pourraient presque nous tapoter du bec voire de quoi nous sommes faits. Des femelles qui n’ont pas trouvé de mâles, ou les mâles qui ont perdu leur précieux œuf, viennent nous faire leur chant d’amour. Et nous sommes là, immobiles pour ne pas les effrayer, frigorifiés au contact de la banquise mais surtout captivés par ces animaux aux couleurs et aux lignes parfaites. Lorsque le vent souffle fort, on peut voir se former les fameuses tortues. Une méthode efficace pour se réchauffer car l’épaisse couche de gras et de plumes n’est pas suffisante pour parer à la rudesse du climat Antarctique.


Pris en tortue : Un groupe nombreux et dense s’est approché, en formant presque une tortue autour de nous.

Manip escabeau : Un renfort pour les manip...

Manchots et glacier rose : Le soleil n’est plus assez haut pour envoyer ses rayons directs sur la manchotière. Seul le glacier est éclairé et prend des teintes roses pendant les quelques heures de jour.

Manchotiere 14h : Toujours sous une lumière indirecte...

Dans un chasse-neige.

Beau parleur : Le chant des mâles qui ont perdu leur œuf et sont devenus des « inemployés »

Dans les yeux : Dans un face à face où l’on semble bien plus impressionné que lui au final.

Curieux : Les yeux ouverts au maximum.

Sérénité : Se tenir contre un humain et ne pas en avoir peur…

3 juin 2007

Balade vers le Nord…

Depuis quelques jours, on voyait repartir les femelles vers le nord, sur une banquise peut-être encore trop fragile pour s’y aventurer, vers ces bergs énormes qu’on avait juste pu approcher cet été en bateau. Depuis tout a encore évolué jusqu’à ce que l’hiver et la banquise figent les paysages. Cette première balade dans les bergs du Nord, c’était donc une aventure dans un territoire totalement inconnu, la rencontre avec l’autre façade de ces géants dont on croyait connaître parfaitement la silhouette.

Le récit en photos…


Départ des femelles : En arrière plan, on voit le continent, et devant sur la banquise, les femelles Empereur partent par petits groupes rejoindre la mer libre plus au nord.

Livre dans le berg : Le premier berg qu’on croise juste après le rocher de la Baleine. Il est basculé sur le côté, la partie anciennement immergé, lisse et teinté de marron comme des coulées d’eau sale. Sa partie supérieure est fracturée, nous faisant voir par endroit son cœur rayé de glace blanche et de glace bleu comme les lignes d’un livre ouvert vers nous.

Livre dans le berg (suite) (pour voir l’échelle)

Grotte-chapelle : un peu plus loin un berg pointe vers le ciel. Il est creusé à sa base, juste assez grand pour qu’un homme s’y tienne debout.

Voici maintenant quatre photos du Tabulaire blanc :

Echelle tabulaire : une fois passé ce livre bleu, devant nous se dresse juste au-dessous du soleil rasant, un tabulaire blanc et sa grotte dont l’entrée est encore un peu cachée.


Grotte du sphinx : Au fond de cette grotte, il y a une entaille dont on ne voit pas le fond. Des grincements de vent et d’eau qui semblent venir depuis l’intérieur. On s’imagine alors dans le ventre d’une baleine…

Tabulaire blanc : Quand la glace se met à sculpter ses bergs, elle peut partir dans toutes les fantaisies. Mais ces lignes sont si rigoureuses, si parfaites, qu’il devient difficile de croire que c’est la nature qui a créé tout ça.

Sphinx face au Pharaon : Ce profil lui a valu son nom. En face, un berg encore plus exceptionnel qui nous fait déjà oublié ce tabulaire blanc : le pharaon bleu regarde le sphinx dans les yeux.

Depuis le profil du Pharaon : deux piliers magnifiques, un de glace blanche striée, un de glace bleue, s’affrontent et s’effondrent en une grotte centrale…

Sieste du phoque : …enfin je veux dire, deux grottes centrales, celle-ci tournée vers le nord, l’autre vers le sud.

Berg bleu depuis le vitrail.

Vitrail : Une membrane de glace bleue qui filtre le soleil, sans doute la plus belle des sculptures jamais vues jusqu’à maintenant!

Grotte nord : la grotte nord du berg bleu... Le berg bleu a lui aussi une jolie grotte. Cette fois, pas de ventre de baleine, mais des hurlements aigus de ce berg qui frotte contre la banquise dans un léger mouvement de houle. Le phoque qu’on voyait sur l’autre photo, dormait juste à l’entrée de cette grotte-ci.

Portes du cirque : Des bers et des bergs qui s’enchaînent, laissant des passages aux rayons du soleil, laissant aussi parfois entrevoir légèrement le glacier, la base… Tout un autre monde.

Berg-grenouille : Un polissage excellent pour créer des formes que chacun s’amuse à comparer à des objets ou des animaux…

Base devant un mur de neige, le 15 mai : La base, perchée sur l’île des Pétrels, comme on peut la voir depuis ce groupe de bergs. Le mur de neige, en arrière plan, s’est avancé petit à petit poussé par des descentes de vent catabatique. Le voile de neige a commencé à recouvrir la base : il était grand temps de rentrer avant de se retrouver dans le blizzard.

Retour dans le chasse-neige : Bientôt de retour sur l’île, un chasse-neige diminuait fortement la visibilité alors que le soleil se couchait, colorant en orange les paysages. Les femelles, elles, continuent leur marche vers l’eau libre, peu importe la force du vent et du froid.