Bienvenue sur le sixieme continent : l’Antarctique !
Click to enlarge Voici quelques nouvelles bien fraîches de la base DDU (66°40’S-140°01’E) et de l’équipe de la 57ème mission qui va tenter l’intégration à l’autochtone : le Manchot Adélie…

7 déc. 2007

Plus au Sud

A DDU, c’est déjà l’effervescence estivale. 50 personnes s’activent pour décharger le bateau coincé dans les glaces à 100 km au nord, faire le plein de vivres et de fuel pour la base, organiser les nouvelles manip scientifiques et préparer les chantiers de l’été. Là-bas à 1500km plus au sud sur la calotte de glace continentale, il y a encore des hommes isolés du reste du monde. La station franco-italienne de Concordia est construite sur le dôme C, le 3ème « sommet » de glace du continent à plus de 3 000m d’altitude. Cette station est ravitaillée par trois raids terrestres qui partent chaque été depuis la base de Cap Prud’homme près DDU. Un raid c’est une aventure d’une dizaine de jour sur le grand désert continentale : 1500 km de blanc absolu, sans relief, sans contraste.
La zone côtière du continent est la plus hostile. Tout d’abord par sa falaise d’une cinquantaine de mètre de haut. Les points d’accès sont rares mais c’est le cas de Cap Prud’homme dont les roches affleurent et forment une brèche dans la muraille impénétrable de la calotte. Ensuite, la glace continentale présente une pente très raide sur les premières centaines de kilomètres avant d’atteindre une zone de plateau à pente douce. Cette pente est trop raide pour permettre aux véhicules d’emmener de lourdes charges dans les premiers kilomètres. Il y a donc l’étape de « pré-acheminement » : une journée aller-retour à 50 km à l’intérieur du continent pour emmener les premières caravanes. C’est aussi une formidable occasion pour nous, anciens hivernants, de participer un peu au raid, d’aller plus loin au sud voir à quoi ressemble ce continent que l’on avait à peine d’effleuré au cours de quelques balades hivernales.
Les conditions climatiques sont les plus rigoureuses près des côtes : les vents catabatiques peuvent déferler avec un maximum de force, les dépressions côtières violentes tournent le long des côtes de l’Antarctique alors que la majorité du continent se trouve sous un fort anticyclone constant. Ce sont donc des sastrugis incessants sur des centaines de kilomètres, des risques de blizzards avec une perte rapide de la visibilité, des vents glacials et parfois si violents qu’ils bloquent l’avancée des engins. La dameuse, un Kassböhrer qu’on appelle couramment « Kass » est le véhicule de tête et a pour rôle de lisser un maximum la piste pour permettre aux engins et leurs lourdes caravanes d’avancer plus aisément et avec le moins de chocs possible. Dans le désert, son rôle essentiel est aussi de tracer la route du convoi par système GPS : il trace une ligne droite entre D10 et Concordia.
Derrière ce sont d’énormes tracteurs, des « challengers », qui tirent de lourdes caravanes : du fuel, des vivres, et tout le matériel scientifique et technique pour une année.
Nous voilà donc parti à Prud’homme pour rejoindre l’équipe qui prépare les raids et les véhicules : des énormes machines. Je ne sais pas ce qu’on aurait pu préférer entre une jolie vue plongeante sur la banquise avant de disparaître dans le blanc et une montée dans un blizzard épais. On a eu le blizzard et il nous a fait revivre les tempêtes de l’hiver sur la banquise. La visibilité est rapidement tombée à quelques mètres, il fallait suivre le Kass ou le tracteur de devant de près pour ne jamais le perdre de vue. Dans ce paysage, il suffit d’un tour complet sur soi-même pour être définitivement perdu. On avançait dans la neige soulevée, à damer les sastrugis, lisser au mieux les bosses, tracer la route en suivant les infos du satellite. Plus de 13 heures dans cette tempête sans aucune évolution du paysage à travers le pare-brise et au bilan à peine 100 km parcouru : un aperçu de l’hostilité par excellence de ce continent…


Kass : La dameuse, véhicule de tête qui se charge de tracer et lisser la piste sur le continent.

Challenger : Un énorme tracteur capable de tirer les charges des caravanes.

Attelage : La phase d’attelage des cuves de fuel, stockées à D10, aux challengers.

D10 : La montée des challengers vers D10, au fond l’horizon est nuageux au-dessus de la banquise.

Crevasses : Peu après D10, c’est la zone la plus dangereuses à cause de nouvelles crevasses qui peuvent s’ouvrir dans cette zone au cours de l’hiver.

Blizzard1 : Le blizzard s’épaissit avec la montée sur le continent.

Caravane : Le convoi du raid dans le blizzard.

Blizzard2 : Un challenger coincé dans une bosse, il faut sortir dételer malgré les conditions.

Soir : Même si le soleil ne se couche plus, le soir venu, le blizzard s’obscurcit.

Nuit bleue : Un challenger trace la route de retour avec ses phares puissants dans cette nuit « bleue » .

Arrivée : Le retour sur la base de Prud’homme où la visibilité est meilleure.

23 nov. 2007

Ils débarquent !

OVNI : Une nouvelle espèce d’oiseau dans le ciel de Terre Adélie.


04 novembre, un objet volant est aperçu dans le ciel de DDU. Un drôle d’oiseau rouge fort bruyant qui se rapproche très vite : un bruit de moteur qu’on n’avait pas entendu depuis 8 mois !
Juste un hélicoptère australien. Pas vraiment surpris par la machine, c’est juste un truc familier venu d’un bateau qu’on ne devine même pas, coincé dans les glaces à plus de 100km. Mais le cœur palpite car c’est un instant fort : voilà donc le lien qui nous relie enfin au reste du monde.
Tout le monde est là au rendez-vous, attiré par la curiosité de voir descendre les deux premiers « intrus » et trouver le courrier de la famille parmi tous les sacs postaux qu’il y a à décharger. Evidemment il y a beaucoup d’émotion associée à l’arrivée de ce premier hélico car il symbolise la fin de notre hivernage. En un bref instant, nous quittons ce petit monde isolé, confiné avec ses habitudes de vie maintenant bien ancrées, et nous sommes projetés brutalement dans la campagne d’été. La base va grouiller d’étrangers pleins de dynamisme, d’enthousiasme et qui s’approprient les lieux qui étaient les nôtres pendant une année. Loin d’être matérialiste, c’est un sentiment d’envahissement d’un territoire conquis. Nous ne sommes plus seuls ici, plus seuls à partager ce lieu grandiose, sauvage et hostile. Cet environnement de glace qui nous a fait voir des merveilles et vivre des instants magiques. Les bergs qu’on a côtoyé, qu’on a découvert, qu’on a nommé sont maintenant dans le langage de tous. Cette banquise qu’on a vu naître, qu’on a exploré, qui nous a tant apporté est maintenant foulé par tous les nouveaux venus.
Les premières rotations d’hélicoptère ont donc apporté le courrier pour les hivernants, c’est la tradition et une occupation qui nous fait presque oublier d’accueillir les passagers suivants. A chaque nouveau débarquement, les campagnards descendaient avec un carton de fruits et légumes frais. Des tomates, des salades, des kiwis, des mangues… Une sorte de cadeau pour nous faire oublier l’invasion ? En tout cas un luxe quand on s’en est privé pendant des mois. Le repas du dimanche midi s’est trouvé un peu chamboulé avec toute cette verdure mais on ne pouvait regarder ces grosses laitues dans leur carton sans y goûter au premier repas !


DZ : L’atterrissage du premier hélico.

Courrier : Le déchargement des sacs postaux.

Salade : De la salade verte, gardée sous haute protection jusqu’à dégustation !

Mangues : Les mangues d’Australie.

Pêche : Une stratégie pour fuir l’invasion : la pêche en regardant le survol des hélicoptères venus du nord-est.

20 nov. 2007

Ca vole !

Un désert en hiver, un rassemblement aujourd’hui : le ciel de l’île des Pétrels a brutalement retrouvé ses aspects estivaux.
Chaque roche a été colonisée par les colonies d’Adélie, les pétrels des neiges, les damiers du cap, les fulmars antarctiques, les skuas et les océanites de Wilson, les derniers arrivants au rendez-vous de l’été. Les couples, souvent fidèles, sont revenus sur leur nid pour se reproduire. Le silence a laissé place aux doux vacarmes des chants de parades. Quand le soir arrive et que les couples sortent des rochers, le ciel se charge de nébulosités ambulantes et désordonnées. Ce n’est plus les ballets verts des aurores dans une nuit noire mais celui des ailes blanches qui filent dans la clarté constante du ciel. Les plumes blanches se fondent parfaitement avec neige et glace de mer mais parfois elles se colorent d’orange à travers les rayons rasant du soleil couchant. S’en est fini également des balades paisibles sur les monts de l’île : les pétrels des neiges et les damiers du cap nous rappellent par leur cri rauque qu’ils sont désormais chez eux et qu’on dérange.
Le pétrel géant, seul oiseau volant présent dès juillet, est maintenant le plus discret, noyé dans l’abondance des autres espèces. Il n’est plus le maître du ciel ni de la manchotière envahie par les skuas. Ceux-là sont à la recherche d’un poussin mort pour satisfaire leur appétit. Ce charognard n’est pas apprécié de tous mais il est un peu le rapace de DDU. Il est l’aigle royal qui inspire le respect quand il prend ses postures majestueuses et quand il plane en scrutant attentivement le sol.
Tout le monde est donc enfin arrivé au rendez-vous estival des amours !


Sommet des pétrels : Du désert de l’île des Pétrels à la vie grouillante.

Roches peuplées : Le moindre caillou est un nid pour un Adélie ou un pétrel.

Points blancs : Le soir les falaises prennent des aspects de fourmilière avec la sortie des couples de pétrels des neiges.

Couple de pétrels : Deux pétrels hors de leur nid caché sous ce gros rocher.

Chants Les parades du soir : Un chant rauque, celui du mâle étant plus grave que celui de la femelle.

Fondu : Le mimétisme des pétrels des neiges.

Vol de pétrel : L’envol d’un pétrel des neiges.

Lueur orange : Quelques instants magiques à travers les rayons du soleil avant de revenir dans l’ombre.

Océanite : Un océanite de Wilson ou pétrel de Wilson posé sur un rocher, instant rare pour ce petit bolide discret.

Océanite et adélie : Les « Laurel et Hardie » de l’île.

Couple de skua : Un couple de skua dans le vent.

Au milieu : Les manchots Empereurs moins impressionnés par les skuas que par les pétrels géants.

Skua : Un skua majestueux dans ses postures de parades.

17 nov. 2007

Octobre, le dernier mois d’hiver

On pourrait dire que le printemps arrive mais ici pas de bourgeons, et la vie ne reprend que très doucement son dynamisme estivale. Les vents et le froid persistent même s’ils perdent un peu de force et nous laissent plus de répit.
Les petits phoques continuent à naître un peu partout sur la banquise épaisse et compacte. Le plus inattendu est sans doute l’arrivée de petites jumelles Weddell, rare évènement sur la banquise. Il y a la goulue accrochée à la tétine de sa mère et l’intrépide explorant son petit environnement locale. Il y a les complicités ordinaires entre mère et petit qui sont encore plus nombreuses à trois qu’à deux. L’autre surprise est cette famille crabier près du rocher de Débarquement. La mère, le petit et le père car contrairement au phoque de Weddell qui constitue des harems, le phoque crabier est monogame.
Octobre est aussi le mois du retour des Adélie, ces petits manchots comiques qui nous avaient quittés depuis le mois d’avril. Sur la banquise c’est la course avec les Empereurs qui reviennent de la mer tout tranquillement. Pas de belle colonne, pas de temps à perdre, pas le temps de grogner sur les congénères : les petits pas s’enchaînent à une cadence infernale. Sur les îles, les petits cailloux pour confectionner le nid sont chers et les premiers arrivés seront les premiers servis.
Voilà, les premiers Adélie ont regagné leur nid annuel, encore bien rares et silencieux. L’horizon grouille déjà de petits groupes de manchots parmi les colonnes d’Empereurs en route ou au retour de mer. Il faut savourer les derniers instants du silence de l’hiver, les dernières respirations d’un air pur sans odeur, bientôt ils seront plus de 30 000 sur l’archipel…


Veau jaune : Les naissances des Weddell s’étalent sur tout le mois d’octobre.

Gras : Un jeune phoque à 10 jours pèse presque 80 kg.

Goulue : La jumelle goulue à la tétine.

Jumelles : Des jumelles Weddell.

Baillements : Une jeune panthère des glaces.

Famille crabier : Un couple de phoques crabiers et leur petit.

Groupe adélie : La course effrénée d’un groupe d’Adélie sur la banquise.

Course : Les Empereurs largement dépassés par ces petites fusées.

1er adélie : Le premier adélie près du sommet de l’île des Pétrels aperçu le 15 octobre.

Sous biomar : La colonie de Biomar - le début de la dé-désertification.

Sur le nid : Le premier bonjour du matin est désormais à cet Adélie revenu près du labo Biomar.

Nid : Un mâle Adélie répare le nid en y ajoutant des petits cailloux volés sur les nids voisins des retardataires.

Caillou : Croisement des Adélies et des couleurs de l’hiver (les petits points noirs en arrière plan au pied du glacier sont des femelles Weddell).

Manchotière : Les Adélie traversent la manchotière, parfois s’y arrêtent et font tout petit à côté des poussins.

Le monde extérieur

En quelques jours la manchotière a totalement changé d’aspect. D’une concentration bien rangée d’adultes avec leurs poussins, c’est désormais un mélange désordonné de gris et de noir et blanc. Tous les poussins sont sortis de leur bouillotte parentale et arpentent la banquise en sifflant à la quête d’une soupe de krill et de petits calmars. Les adultes se relaient de plus en plus fréquemment pour assurer les besoins sans cesse grandissant de leur petit. La mer libre est éloignée d’une centaine de kilomètre des îles et ces petits bonhommes en colonne apparaissent partout à l’horizon marchant en se dandinant sur les glaces du nord. Parfois le poussin reste seul quelques temps sur la manchotière. Ce sont les premières crèches qui se forment : des petits groupes de poussins gardés par quelques adultes. Il faut en effet veiller car les deux ennemis rodent.
Les fameuses « longues ailes » revenues depuis juillet sur leurs nids de l’île Rostand sont affamées et les festins d’un petit poussin isolé de quelques mètres des adultes deviennent presque quotidiens. On ne peut qu’apprécier le spectacle des vols de repérage, des parades d’intimidations entre congénères, des courses de décollages depuis la banquise telle de gros avions-cargos malgré l’atrocité des attaques sur ces petits boules de duvet gris attendrissantes. On écoute silencieusement et on observe stupéfait l’exceptionnelle rencontre avec le géant.
L’air amène aussi les deniers blizzards de l’hiver qui s’abattent férocement sur les poussins encore fragiles. Ceux-ci tentent parfois de se réfugier dans la poche incubatrice de leur parent devenue bien trop petite pour les protéger, d’autres choisissent d’imiter les adultes en formant de petites tortues. D’autres sifflent dans la violence du vent à la recherche de leur parent. Le froid sera sans pitié avec eux.



Manchotière : La manchotière prend brutalement un nouvel aspect avec la montée des températures et l’émancipation groupée des poussins.

Cervin : Le « hall fusée » dans le chasse-neige.

Mauguen : L’île du Mauguen dans le chasse-neige.

Protection : Un poussin encore petit se réfugie dans la poche incubatrice de son parent.

Seul : un poussin a peu de chance de survivre seul face à la violence des vents glacés.

Comme les grands : Des tortues de grands et de petits.

Tortue calme : Une tortue de poussin entre deux bourrasques de catabatiques.

Longues ailes : Un pétrel géant planant au-dessus de la manchotière.

Repérage : Le regard impressionnant du tueur qui a repéré sa proie.

Repas pétrels : pique-nique sur la banquise.


Bec : Le festin du pétrel.

Petits pétrels : Une idée de la taille des palmures.

Peur : Empereurs adultes et pétrels adultes se font face pour ce poussin à l’agonie.

Compétition : Un poussin frais objet de disputes entre pétrels.

Intimidation : Une drôle de posture de ce pétrel qui défend sa proie face à un autre pétrel en poussant des grondements graves.

Envol : Une course sur une congère pour prendre vitesse et hauteur.

Envol du sol : Difficile envol avec des pattes lourdes sur la glace et des grandes ailes encombrantes.