Bienvenue sur le sixieme continent : l’Antarctique !
Click to enlarge Voici quelques nouvelles bien fraîches de la base DDU (66°40’S-140°01’E) et de l’équipe de la 57ème mission qui va tenter l’intégration à l’autochtone : le Manchot Adélie…

25 oct. 2007

La tête dans les nuages…

Brouillard : Une nappe blanche atteint le berg château à 10km au nord de DDU

Drôle de phénomène dans nos contrées, un classique pourtant en métropole : un brouillard ! Un brouillard est passé sur la banquise le temps d’un après-midi, cachant les bergs dans une épaisse fumée.
C’est une nappe blanche lointaine à l’horizon avalant les bergs au large qui nous attire d’abord l’attention. D’heure en heure, cette nappe avance doucement vers le continent, puis canalisée par les falaises de glace, sans jamais envahir le continent, elle s’est approchée de DDU au soleil couchant. Depuis la base nous sommes alors comme au sommet d’une montagne au-dessus d’une mer de nuages depuis laquelle émergent quelques bergs au soleil couchant.
Un évènement rare ici en Terre Adélie, dont l’origine reste totalement mystérieuse pour les météos. Un spectacle aussi insolite que magnifique…

Falaise : Le brouillard avance sur la banquise contre le continent, masquant la falaise.

Cirque nord : Le cirque de bergs juste au nord de DDU englouti.

Emergence : Le haut des bergs émergeant du brouillard.

Tapis doré : Un tapis doré au soleil couchant.

Brume rouge : Un tapis rouge vers les îles de l’ouest.

Vers Bernard : Le brouillard atteint le glacier et l’île Bernard.

20 oct. 2007

L’oasis

Château des fées


Le château des fées : un nom qui fait rêver pour ce berg célèbre tout au large, ni au nord, ni à l’ouest, ni proche du continent, ni proche d’une île. Il trône au milieu de la banquise, caché par aucun autre et visible en tout point. Sa silhouette attise la curiosité, sa position appelle à l’évasion vers le grand large. Il n’a pas fallu plus d’arguments pour partir à l’assaut de ce berg.
10 km de marche et nous y sommes. De près il ne déçoit en rien. On le croirait moulé en pâte à modeler, mais c’est la mer qui lui a donné toutes ces formes globuleuses.
Sans cesse des manchots sortent de derrière ce berg, nous suivent en sa direction ou nous croisent sur leur retour vers la manchotière… Des sons de clapots qu’on n’avait pas entendu depuis la débâcle, des manchots qui jaillissent de la base du berg : pas de doute, son trésor qui attire les manchots c’est la présence d’eau libre tout autour de lui. Une piscine ou une baignoire à manchots comme on appelle ces zones de rupture entre bergs et banquise. C’est en réalité bien plus que ça car le fond n’existe pas : c’est une véritable porte vers l’océan qu’emprunte les manchots pour aller se nourrir. On peut en certains endroits apercevoir la glace qui s’enfonce sous la surface, qui devient turquoise, puis bleue puis noire. Vertigineux contraste quand on réalise qu’on ne voit au-dessus de nos têtes qu’un petit dixième de ce que représente la hauteur de ce berg. Angoissant quand on réalise qu’on marche sur une petite plaque de glace et que dessous existe bien un océan noir et profond et une masse colossale de glace.
Mais le spectacle des manchots qui nagent est un régal. Sous l’eau ils défilent à des vitesses incroyables. Cet oiseau si lent sur terre déploie ici toute son énergie : il vole sous l’eau, il vient respirer avant de s’enfoncer de nouveaux en quelques battements d’ailes, puis il bondit hors de l’eau avant de retrouver son calme dont on a plus l’habitude. Ses plumes parfaitement lissées sur lesquelles perle l’eau, brillent au soleil. Un peu plus loin ce sont les phoques crabiers qui font le spectacle. Plus de 60 phoques nagent dans l’eau turquoise : ils se bagarrent, restent immobile dans l’eau les narines en surface, sortent la tête curieusement en regardant dans notre direction. On croit rêver… Le froid se fait complètement oublier, on reste immobile peut-être deux heures à regarder les phoques, les manchots, dans l’eau, sous l’eau, sur la banquise. Des pétrels des neiges passent aussi par là depuis des mois qu’ils sont partis de l’archipel. Qui aurait pu croire à une oasis ici, au milieu de nulle part, autour de ce berg unique et magnifique ?





Sorties : Tout autour du château, des centaines de manchots qui ont trouvé leur oasis.

Contre jour : Discret, ce phoque vient respirer dans une rivière.

Banquette : les mouvements du berg le détache de la banquise et crée une zone d’eau libre dans laquelle on se rend compte sur quoi on marche.

Sous la surface : la glace alvéolée de la portion sous-marine des bergs s’enfonce dans le bleu profond et sans fin de la mer.

Vol sous l’eau : Les manchots passent comme des fusées sous l’eau.

Baignoire : On appelle cette zone d’eau libre entourant un berg, baignoire ou piscine à manchots.

Baignade : Les Manchots Empereurs dans leur milieu : la mer libre.

Piscine du château : Le château avec ses tours de glace polies et ses centaines de manchots qui disparaissent sous la banquise.

Crabier : Le museau du phoque crabier est plus allongé que celui de son cousin Weddell.

Curieux : Les crabiers n’hésitent pas à sortir de l’eau près des promeneurs.

Bagarres : Bagarre entre deux mâles dans l’eau.

Sieste : Petit moment de répit dans l’eau qui n’a de tropicale que ce turquoise…

61 : 61, c’est le nombre de phoques crabiers présents dans cette baignoire !

Argenté : Le pelage argenté du phoque crabier.

Cicatrices : Les crabiers portent de nombreuses cicatrices, suite aux attaques de léopards.

Crabier et Empereur

15 oct. 2007

Naissance sur la banquise

Dimanche 23 septembre, le premier phoque de Weddell est né sur l’archipel de Pointe Géologie. Un petit mâle baptisé Loïc car c’est aussi le jour d’anniversaire de notre électro.
Très vite, il est devenu la mascotte de la base, les questions ne tournaient plus qu’autour de cette petite curiosité sortie d’une maman énorme. On admire avec émotion les ballets attendrissants de la mère et son petit, on s’amuse des drôles de cris presque humains.
Septembre c’est donc le grand retour des phoques de Weddell. Ils sont restés présents tout l’hiver sur l’archipel, sortant parfois sur la banquise. Les rencontres sont restées rares. Cette maman nous a amené un petit «félin» en même temps qu’elle est sortie d’une faille dans la banquise.
Après 9 mois de gestation, les femelles mettent bas un ou plus rarement deux veaux. Les mâles se disputent les territoires avec vigueur. On croise souvent quelques mâles portant des blessures encore à vifs. Mais seuls les mâles qui auront conquis un territoire pourront s’attirer les faveurs de 5 ou 6 femelles… Chaque mâle commence par creuser un trou dans la banquise qu’empruntent les femelles avant de mettre bas en surface sur la glace. Il défend ce trou communiquant contre les autres mâles. Les femelles allaitent le petit pendant deux semaines, restant près de lui sans jamais retourner à l’eau. Pour la femelle commence 2 semaines de jeûne et on comprend pourquoi elles sont aussi énormes au moment de la mise bas. Elles vont véritablement fondre et fournir un lait très riche au veau qui va grandir à une vitesse phénoménale. C’est la loi aussi, la même pour les manchots et les phoques : grandir vide, accumuler vite des réserves avant les périodes de jeûne dans des conditions extrêmes. Ca veut dire aussi pour nous, curieux de cette nature incroyable, que chaque jour est un spectacle unique et éphémère qu’il faut vite saisir.


Premier : Loïc, le premier phoque âgé de deux jours. Le cordon ombilical s’est déchiré pendant la mise-bas et se dessèche progressivement.

Enorme : Loïc, 35 kg, à côté de sa mère qui pèse environ 450 kg.

Mère et petit : Dès la naissance, le phoque arpente le petit périmètre de banquise autour de sa mère.

Veau : Un petit phoque ou « veau ».

Félin : un petit air de félin, surtout quand il joue avec ses nageoires pataudes.

Félin bis

Bâillements : Des bâillements de la mère en même temps qu’une sorte de cri « mais euh ».

Bâillements bis

Neige : La découverte de la neige…

Bibi

Veau-jaune : Âgé de quelques jours, on les appelle veau jaune du fait de la couleur de leur pelage à la naissance.

13 oct. 2007

La banquise intacte

Le glacier est un labyrinthe qu’on ne se lasse pas de visiter pour découvrir de nouvelles entrées, de nouvelles vallées et de nouvelles sorties sur un espace désertique, vers le blanc infini. On le voit évoluer par les chutes de blocs de glace, les mouvements des masses qui fracturent la banquise en d’imposantes rivières et font naître des petits étangs aux couleurs jades. Un chaos impressionnant qui a du mal à faire taire une peur irraisonnée d’être soudainement bousculé comme tous ces blocs effondrés. Par temps calme, le glacier est endormi, la glace figée par le froid et le spectacle commence.
Après avoir arpenté le reste de banquise entourant l’archipel, le glacier était un peu ce repère immobile malgré les tempêtes qui se sont abattues en juillet.
On s’était habitué à voir l’eau libre depuis la base, ces magnifiques couchers de soleil, ces reflets et ces couleurs que la banquise ne renvoie pas. Mais derrière cette muraille de glace, derrière le glacier, c’est un horizon blanc qu’on découvre comme si l’on approchait une oasis dans un désert de sable. C’est tout l’inverse mais le sentiment est le même d’immense espoir et d’élans soudains d’énergie. On retrouve notre désert, la clé du paradis des balades et des évasions hors de la base qui se fait de plus en plus oppressante. Ces grands espaces blancs qui ne s’arrêtent pas dans de l’eau libre, cette falaise continentale qui s’effile vers l’est accompagnée de sa banquise, tout ça est notre Eden ici.
Alors les pas s’accélèrent, les pensées se libèrent et on se prend à rêver de nouveau à la liberté d’avancer sur la glace non balisée, non tracée, sans carrefour, sans guide. Vers cet horizon je diverge et prend un peu de recul sur mes camarades toujours attachés aux pieds du glacier. De leur côté, c’est de se rendre compte de la hauteur de la glace blanche qui est magnifique.
On le suivra jusqu’à son extrémité, longeant ces châteaux de glace qui aveuglent, ces grottes éclairées par une lumière qui traverse toute la glace… Mais tout ça se raconte plus facilement en images.


Tabulaires : L’infini blanc vers l’est, la banquise intacte et ces lointains tabulaires massifs.

Berg à repasser : Son basculement lui a valu son nom et lui donne encore plus de hauteur que les autres blocs.

Vallée des gargouilles : La vallée des gargouilles ente deux blocs du glacier.

Le kass : Ce bloc très abîmé avance en damant la banquise comme notre Kässbohrer.

Bout du glacier : Le dernier bloc du glacier est truffé de grotte et laisse libre ce panorama de blanc sans fin.

Château de glace : Des murailles face aux soleils.

Lumière : Effet de lumière depuis l’intérieur d’une grotte.

Retour glacier : Retour en raquettes du glacier vers la base, à l’ombre gigantesque des blocs.

Bord de la polynie : Derrière mes camarades et vers ce tabulaire, l’eau libre regel en glace noire et prend déjà un aspect jaune au soleil rasant.

Parhélie : Un phénomène optique lié à la position précise du soleil à cette époque de l’année et la présence de cirrus.

Ca pousse !

En septembre, les poussins font leur entrée en piste sur la banquise. Ca commence par un petit pas dehors, un peu timide, peut-être surpris par le froid sous les petites pattes, puis le deuxième pas se fait aider un peu par le parent. Voilà deux mois que les premiers poussins sont sortis de leur coquille goûter l’air frais antarctique, découvrir les joies du blizzard et aussi croiser quelques visiteurs curieux de les voir grandir.
Hors de la poche du parent, les dangers sont nombreux pour ces petits manchots aux défenses fragiles. Le froid, les pétrels géants, les autres adultes, voire leur propre parent.
Cet oiseau si majestueux et pacifique laisse parfois échapper des moments de violence extrême : avoir un poussin à tout prix sur les pattes, même s’il faut écraser et tuer cette petite boule de duvet gris. Des dizaines d’adultes qui ont échoués plus tôt pour avoir été trop maladroits, trop faibles ou abandonnés de leur partenaire, se jettent sur les poussins de leurs voisins. Qu’il soit bien caché sur les pattes ou qu’il ait eu l’audace d’avoir mis une patte dehors, ces groupes d’inemployés tentent leur dernière chance plusieurs fois par heure et partout dans la manchotière. Le « rapt », comme on appelle ces tentatives de vol de poussin, est parfois récompensé ou tourne parfois au drame de la perte du poussin sous le poids des adultes. La plupart du temps, heureusement, le poussin revient sur les pattes de son parent.
Alors vraiment, il faut oser s’aventurer seul sur la banquise quand on est convoité comme un ballon de rugby au milieu d’une mêlée.


Photo 1 - Partout : Tous les œufs sont maintenant éclos, les petites boules grises se multiplient sur les pattes des adultes.

Photo 2 - Boules grises : Maintenant plus gros que la poche incubatrice, les poussins se retournent pour mettre le bec au chaud.

Photo 3 - Affamés : Les poussins ont des besoins alimentaires très importants.

Photo 3bis - Toujours manger.

Photo 4 - Boudin : Les poussins grossissent plus qu’ils ne grandissent, le gras est un très bon isolant thermique nécessaire à la survie dans cet environnement hostile.

Photo 5 - Balade sur pattes : Les petites pattes sur les plus grandes, les adultes et leur poussins se déplacent dans la manchotière.

Photo 6 - Endormis : Un repos bien coordonné…

Photo 7 - Fait l’avion : Les poussins devenus plus grands et plus vifs, battent de leurs petits ailerons.

Photo 8 - Poussin boudeur : Les parades incessantes des adultes qui se montrent leur poussin.

Photo 9 - Chamailleries : Déjà petits, les disputes commencent et ce n’est pas toujours les plus grands qui ont le dernier mot.

Photo 10 - Premiers pas : Les premiers pas sur la glace.

Photo 11 - Patte dehors : Une patte sur la banquise qui goûte la température.

Photo 12 - Mêlée : Un attroupement d’adultes autour d’un poussin pour tenter de le capturer.

Photo 13 - Dispute voisinage : Les parents sont toujours en alerte et méfiants des voisins qui pourraient tenter de voler leur poussin.