Bienvenue sur le sixieme continent : l’Antarctique !
Click to enlarge Voici quelques nouvelles bien fraîches de la base DDU (66°40’S-140°01’E) et de l’équipe de la 57ème mission qui va tenter l’intégration à l’autochtone : le Manchot Adélie…

26 juil. 2007

Dans le blanc…

Crête soufflée : Tout le long de la crête continentale, on aperçoit un mur de neige stationnaire et à droite de la photo, un gros nuage de neige.

L’Antarctique nous offre parfois ses merveilles dans des conditions exceptionnelles, qu’aucun livre ne décrit tellement elles sont douces et loin de la rigueur extrême qui lui fait sa réputation. D’autres fois, c’est le vent, la neige et le froid qui règnent et nous rappellent où nous sommes. Plus fréquemment en hiver, l’air froid du continent descend brutalement le long des pentes glacées. C’est le vent catabatique, qui peut passer de 10 à 150 km/h en quelques instants puis disparaître aussi vite qu’il est apparu. Imprévisible et violent, il souffle la neige accumulée sur le continent et sur la banquise, et remodèle les paysages, détruit d’épaisses congères pour en créer d’autres un peu plus loin. Sous un ciel bleu et dégagé, on pourrait se perdre, tellement le chasse-neige au sol est important. Il y a quelques indices sur le continent des risques de « descentes catabatiques » : les murs de neige. Aussi incroyables que leur nom, ils sont parfois visibles sur les cartes satellites. Ils apparaissent comme une fumée haute de plusieurs dizaines, voire centaines de mètres sur le continent, ou comme un immense nuage épais qui tourbillonne sur lui-même, menaçant de s’abattre à tout instant.
Le catabatique n’est pas le seule phénomène à l’origine du « blizzard ». Les perturbations, qui se traduisent presque exclusivement par des tempêtes violentes, apportent de la neige nouvelle ou souffle la neige déjà déposée par d’anciennes perturbations. Des tourbillons de neige et de particules de glace qui nous brûlent le visage, nous empêchent d’ouvrir les yeux et réduisent la visibilité à parfois que quelques mètres.
L’alternance est impressionnante, un jour c’est un blizzard épais par 150km/h de vent, et le lendemain, c’est un ciel pur sans une brise.
Mais malgré la rudesse de ces phénomènes climatiques, les paysages sont magnifiques, et les sensations inoubliables, tellement on se sent petit et fragile au milieu d’un désert qui n’a aucune pitié.



Le continent fume

Mur rose : Lorsque le soleil se lève, tout est rose, la banquise, les rochers, la glace du continent mais aussi les murs de neige.

Mur sur un glacier : Le mur se prolonge parfois depuis le continent tout le long du glacier jusqu’à hauteur de la base, sur laquelle ne souffle aucun vent.

Mur de neige en forme de nuage : Cet énorme mais magnifique mur de neige est resté longtemps sur le continent en tourbillonnant sur lui-même.

Falaise du continent : On visualise l’effet de coulée le long des pentes continentales de l’air froid chargé de la neige rencontrée en chemin.

Passage du mur de neige : Le ciel est bleu et, au-dessus du blizzard, on voit les cirrus fins et orientés sud-nord qui nous signalent la descente de masses d’air froid continentales. On ne distingue plus la falaise continentale ni les îles proches de la base.

Lever de soleil : Les vents poussent loin la neige vers le nord, le paysage est complètement voilé.

Chasse-neige, le 15 mai : Le soleil est encore assez puissant pour traverser le blizzard.

Coucher dans un chasse-neige : Le soleil rasant des soirs d’avril colore le chasse-neige.

Chasse-neige du lundi 23 avril : Les sorties banquise en cas de chasse-neige sont peut-être pénibles mais lorsque le vent reste modéré, elles sont l’occasion d’apprécier ces phénomènes propres à l’Antarctique.

Empereurs dans un chasse-neige : Le soleil brille au-dessus de nos têtes mais le vent soulève la neige au sol, les manchots restent immobiles en se serrant les uns contre les autres pour réduire les pertes de chaleur importantes lorsque les vents sont forts.

Départ des femelles : Ce n’est pas ces conditions météorologiques qui arrêtent les aller-retour entre la mer et la manchotière.

Quand le soleil joue avec la glace…

Glacier le 22 juin : Le glacier dans l’ombre vers 12h ; le soleil vient de se lever mais est encore situé derrière les bergs du nord.

Le soleil surgit : Le soleil sort à l’ouest du berg qui faisait éclipse jusque là.

Base dorée : La lumière arrive perpendiculaire à cette glace lisse, précédemment immergée et polie par l’eau marine.

De l’or : En s’approchant de la glace, on y voit de l’or ;

Flamme : Les reliefs de la glace accumulent les lumières et donnent ces images de flammes…

Comète : … ou de comètes

Vallée des bosses : Les parois du glacier face au soleil prennent des aspects de rubis.

Allumee : Cette grotte du glacier se trouve dans l’axe du soleil. Elle n’est plus bleue comme ses voisines et comme elle l’était une dizaine de minutes plus tôt, mais jaune d’or, éclairée par le soleil qui avance rapidement sur l’horizon.

Paroi dorée : La paroi à l’entrée de la grotte jaune : de l’or !

Falaise dorée : Le soleil commence à se coucher, l’or se transforme en cuivre.

Peintures dans le ciel : Le soleil au nord est couché, le ciel au sud est nuageux. On dirait des coups de pinceaux épais et hasardeux dessinant ces nuages roses au-dessus des bergs blancs et cyans.

Les quelques jours autour du 21 juin sont les plus courts mais aussi les plus exceptionnels pour leurs lumières.
Le soleil roulant sur l’horizon envoie des rayons presque perpendiculaires aux parois des bergs. La glace les renvoie ou les capte pour nous éblouir de millions de couleurs. Libre à l’imagination de chacun pour les interpréter, pour y voir de l’or ou du cuivre, des soleils ou des flammes… Le blanc disparaît complètement, on touche de la main nue cette glace pour être sure que ce n’est bien qu’une illusion. Ces phénomènes sont aussi incroyables qu’éphémères, car le rendez-vous est à prendre : un instant précis où le soleil surgit derrière un berg à l’horizon, une orientation précise des parois de glace pour faire apparaître ces lumières en quelques minutes avant qu’elles ne s’éteignent avec le soleil couchant. Le hasard nous les a montrées mais il nous a aussi donné l’espoir d’en découvrir peut-être d’autres à d’autres moments et dans d’autres vallées de glace.

24 juil. 2007

Visite de l’archipel, 1ère partie

La base de Dumont d’Urville est construite sur l’île le plus grande de l’archipel de Pointe Géologie : l’île des Petrels. Situé juste à l’ouest du glacier, à l’abri des tempêtes, cet archipel regroupe une dizaine d’îles majeures et de nombreux ilots. Une richesse pour la faune qui vient s’y reproduire en été, et une richesse aussi pour nous, hivernants : souvent la destination des balades, les roches sont seules à contraster cet environnement de glace. Sous l’eau, les hauts fonds de l’archipel sont des zones d’échouages des bergs massifs qui nous donnent ce panorama en relief. A l’est du glacier, ce n’est qu’un désert plat sans fin.
A proximité de l’île des Petrels se situent 4 îles majeures : Jean Rostand, Le Mauguen (anciennement Alexis Carrel), Lamarck et Claude Bernard. Grands noms de la science ou des inconnus qui ont sombrés ici. Dans le glacier, à plus de 3km de la calotte glaciaire, des roches continentales affleurent : il s’agit d’un nunatak, nom esquimau qu’on donne à ces zones rocheuses attachées au continent.
Un cirque entre les îles du Mauguen et de Rostand et le nunatak du Bon Docteur, est le lieu de reproduction des Empereurs chaque hiver.

Carte de l'archipel de Pointe Géologie

La base vue du nord : Depuis le nord, on aperçoit sur fond de continent l’île des Pétrels sur laquelle est perchée la base.

La base vue de lamarck : Le soleil va se lever doucement sur l’archipel dans cet environnement aux couleurs incroyables. Un mur de neige, plus clair, descend à l’ouest de la base venant du continent (au fond et à gauche).

L'île Claude Bernard : L’île du nord, un dôme de roches qui culmine à 47m mais dont la forme est en réalité bien plus complexe lorsqu’on l’aborde par le nord…

L'île Claude Bernard et un glacier

L'île Lamarck en été : Une petite île entre Bernard et Rostand, sur laquelle on aperçoit encore des manchots Adélie, c’était en mars dernier.

L'île Lamarck vue de la base : De la neige et les couleurs de l’hiver donnent un tout autre visage à cette île.

Le donjon : Le donjon, un petit îlot à quelques mètres au nord de Lamarck.

L'île Jean Rostand vue de la base, à une centaine de mètre de la base, Rostand est une grande île tout près de la base, la première accessible lorsque la banquise se forme mais protégée et interdite pendant la période de reproduction des Pétrels géants...

Pétrels sur l'île Jean Rostand : Rostand, l’île aux pétrels géants, dont les nids sont de l’autre côté, non visible depuis la base.

Lever de soleil sur rostand

La tour de pise : Un drôle de relief sur l’île Rostand surnommé la tour de pise.

Le sommet de Rostand

L'île Mauguen vu de Rostand : En été, de nombreux phoques viennent sur la plage de glace au sud-est de l’île, sans doute pour son calme, loin de l’animation la base et un peu abrité des vents.

L'île Mauguen depuis la manchotière : Au-dessus de son sommet, de jolis cirrus poussé par les vents de sud.

4 juil. 2007

Introduction au glacier

Une introduction au glacier, c’est comme une invitation au voyage dans ce glacier de l’Astrolabe, ce géant de glace continentale qui s’écoule lentement dans la mer, s’avance dans la mer sur plusieurs kilomètres, s’élève en de hautes falaises, se creuse de vallées et de grottes incroyables, reflète la lumière du soleil comme un bijou… Les glaciers sont les rivières ou les fleuves gelés du continent Antarctique. On en trouve sur tout le pourtour du continent Antarctique, des géants immenses ou des plus petits comme le notre. Mais lorsqu’on s’approche à ses pieds et réalise ses dimensions gigantesques, on n’ose imaginer à quoi ressemble le glacier du Mertz, un géant à une centaine kilomètres de DDU.
Sa glace est complexe : dans les couleurs, dans les formes. On perçoit toutes les tensions du temps, du poids, des températures, de la mer et de la roche au cours de la lente descente vers la mer depuis des années et des années.
Cet été, on l’entendait se casser dans des coups de tonnerre, on voyait de nouveaux bergs le matin, tout juste détachés. L’hiver l’a figé davantage mais pas encore suffisamment pour l’endormir complètement. Dans la nuit du 9 au 10 mai, une explosion massive l’a brisé en plusieurs morceaux, déplaçant la banquise, créant un chaos dans une large zone autour de lui, créant de nouvelles vallées et effondrant d’autres qu’on avait à peine eu le temps de visiter. Les vents violents le sculptent également, et on voit à ses pieds des blocs de glace fraîchement tombés comme des chutes de pierre sur une route de montagne.
Je vous parlerai donc de son nouveau visage, celui qu’on voit depuis presque deux mois. La visite est loin d’être finie malgré les nombreuses balades mais voici les premières photos de son intimité.


Le chaos au bout du glacier : Une vallée au bout du glacier et tous les fragments tombés récemment.


Phoque dans la rivière : Une rencontre surprenante au milieu d’un désert blanc. Les rivières sont nombreuses autour du glacier, preuves des mouvements permanents du glacier malgré la banquise.

Base jaune : L’explosion du 9 mai a détaché et fait basculer un énorme morceau du glacier. On peut voir maintenant sa base, teintée de jaune par son long voyage sur le continent puis dans son canyon sous-marin.

1er berg détaché : Au nord, le glacier ne s’interrompt pas brutalement : il a détaché de nombreux bergs qui forment entre eux des vallées ou des cirques magnifiques. Ce berg juste à l’ouest de l’île Claude Bernard, est fait d’une glace bleue un peu tortueuse comme l’écorce d’un vieux chêne.

L’infini blanc : A l’est du glacier, c’est l’infini blanc : la banquise, sans aucun berg, s’étend à perte de vue, plus d’orientation possible, plus de distances évaluables, juste le continent et le glacier dans notre dos pour nous donner des repères.

Rayures jaunes et bleues : Le glacier n’est pas fait de glace homogène, on voit des couches blanches, bleues ou jaunes, lisses ou granuleuses, transparentes ou opaques.

Crevasses : Cette falaise montre bien les crevasses, bleues, parfois comblées d’une glace plus blanche qu’on dirait chiffonnée comme du papier.

Gargouille et vallée ouest : Une ouverture à l’ouest entre deux bergs, une vallée dont les falaises sont sculptées. On peut imaginer à souhait des formes d’animaux, d’objets, de personnages dans toutes ses fantaisies de glace.

Grotte et arche : Des grottes, des arches, des crevasses, des statues, la glace est un artiste qui ne manque pas d’inspiration.

Ici une statue

Là une grotte

Ici elephanta

Là des cirques et des grottes

Rubis : Le soleil rasant colore les murs de glace lisse, renvoie les couleurs ou les modifie. Qui a dit que la glace était blanche ?

Vallée rubis

Route des femelles : nous ne sommes pas les seuls à emprunter les vallées, les femelles qui repartaient en mer au mois de mai y passent également.